Le 1er septembre 2025, environ Saint-Dizier a accueilli de nouveau ses 1 900 élèves dans les salles de classe, marquant le début de l’année scolaire 2025-2026. Ce retour n’est pas qu’une simple routine : c’est un acte de résilience dans une ville qui, depuis les années 1980, perd progressivement ses habitants, ses emplois, et, surtout, ses jeunes. À peine 26 300 personnes vivent aujourd’hui dans cette ancienne ville industrielle du Haute-Marne, contre près de 40 000 à son apogée. Et pourtant, les écoles battent le rythme. Avec une volonté presque désespérée, l’administration municipale tente de redonner du sens à la vie locale — en rénovant les cours de récréation, en construisant une nouvelle école, et en recrutant des animateurs pour les activités périscolaires. Éducation n’est plus un simple service public ici : c’est la dernière carte à jouer pour éviter l’effondrement.
Une ville qui se vide, mais qui construit
Saint-Dizier, cinquième ville du Grand Est, n’est plus ce qu’elle était. Après avoir connu une croissance fulgurante jusqu’aux années 1970, elle a subi un déclin brutal après la première crise pétrolière. Plus de 35 % de sa population a disparu. Les usines ont fermé. Les familles ont déménagé. Et les adolescents, une fois le bac en poche, ne reviennent plus. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’université. Pas d’école d’ingénieurs. Pas même un IUT. La Fabrique de la Cité le confirme : le manque de formations supérieures est le principal frein à l’attractivité des villes moyennes françaises. À Saint-Dizier, ce vide éducatif se traduit par un exode silencieux. Les jeunes partent. Les familles suivent. Et les écoles, elles, se vident lentement — même si, pour l’instant, 1 900 élèves y sont encore inscrits.Des écoles qui changent de peau
Mais la ville ne se résigne pas. Elle réinvente. Sur le site du collège fermé de Clos-Mortier, une nouvelle école voit le jour. Prévue pour accueillir 150 élèves — 4 classes de maternelle, 5 d’élémentaire, et 2 ULIS — elle symbolise un changement de cap. Pas une simple reconstruction, mais une réinvention. L’architecte a été invité à concevoir des espaces ouverts, lumineux, avec des zones de jeux intégrées. Et ce n’est qu’un début. L’administration a lancé un plan ambitieux : transformer 18 cours d’école en espaces verts, en jardins pédagogiques, en terrains de jeux en herbe. On appelle ça la « débitumisation ». En clair : enlever l’asphalte, replanter, laisser la nature revenir. Pourquoi ? Parce que les parents demandent ça. Parce que les enfants ont besoin de respirer. Et parce que, dans une ville en déclin, chaque petit geste de bien-être compte.La grève du 18 septembre : un test de solidarité
Le 18 septembre 2025, une grève nationale a paralysé les écoles de France. À Paris, Lyon ou Marseille, les parents ont dû improviser. À Saint-Dizier, non. La mairie avait anticipé. Des salles ont été ouvertes. Des animateurs recrutés à la dernière minute. Des repas ont été servis. Les enfants ont pu rester en sécurité, encadrés, même si les profs étaient en grève. Ce jour-là, les habitants ont vu quelque chose de rare : une administration qui pense à l’avance. Qui ne se contente pas de réagir, mais qui prépare. C’est ce genre de détails — pas les gros discours — qui rassurent les familles. Et qui, peut-être, les retiennent.Un manque de main-d’œuvre, une ville en péril
Derrière chaque école fermée, derrière chaque jeune parti étudier à Nancy ou à Reims, il y a un industriel qui cherche un technicien. Un mécanicien. Un électricien. La Fabrique de la Cité a mené une enquête auprès de 200 entreprises du Grand Est : le principal obstacle à leur développement, c’est le manque de travailleurs qualifiés. Et à Saint-Dizier, les entreprises sont nombreuses — mais les jeunes ne reviennent pas. Pourquoi ? Parce que les formations locales ne correspondent pas aux besoins. La mairie le sait. Elle a donc lancé un appel à projets pour créer des formations courtes, en lien direct avec les secteurs industriels locaux : logistique, maintenance, métallurgie. Pas de master, pas de thèse. Des certificats de compétences, en un an. Des passerelles vers l’emploi. C’est le seul espoir de faire revenir les jeunes — ou du moins, de les convaincre de rester.Le défi des villes moyennes
Le Haute-Marne n’est pas une bonne élève, selon JHM.fr. Il compte 20 fermetures de classes prévues pour 2025 — certaines annulées après un décompte des inscriptions. Mais le problème n’est pas seulement technique. C’est culturel. Les habitants des villes moyennes sont plus mécontents que ceux des grandes métropoles concernant l’accès aux écoles, aux collèges, aux infrastructures sportives. Saint-Dizier tente de répondre à ce malaise. Elle ne peut pas rivaliser avec Lyon ou Strasbourg. Mais elle peut offrir autre chose : de la proximité. De la sécurité. Des espaces verts. Des écoles qui tiennent debout. Des projets qui parlent aux familles. Ce n’est pas une révolution. Mais c’est peut-être suffisant.Et après ?
Les prochaines étapes sont claires : l’ouverture de la nouvelle école de Clos-Mortier en 2026, la finalisation des 18 cours transformées, et le lancement des premières formations professionnelles courtes. Mais le vrai défi, c’est de faire croire aux familles que Saint-Dizier vaut la peine d’y vivre. Que les enfants peuvent y grandir. Que les parents peuvent y travailler. Que la ville n’est pas une impasse, mais un point de départ. Le 1er septembre, les 1 900 élèves sont revenus. Le 2 septembre, ils sont repartis en classe. Mais dans un an ? Dans cinq ans ? Ce sera là que l’on saura si cette ville, en déclin, a réussi à se réinventer — ou si elle n’était qu’un dernier souffle.Frequently Asked Questions
Pourquoi Saint-Dizier a-t-elle perdu autant d’habitants depuis les années 1970 ?
La chute démographique de Saint-Dizier est liée à la désindustrialisation après la crise pétrolière de 1973. Les usines ont fermé, les emplois ont disparu, et les familles ont migré vers les grandes villes. La population est passée de 40 000 à 26 300 habitants, soit une baisse de plus de 35 %. Le manque d’offres de formation supérieure a ensuite accéléré l’exode des jeunes.
Quelle est la particularité du nouveau projet scolaire de Clos-Mortier ?
Le nouveau bâtiment, qui accueillera 150 élèves, est conçu comme un espace éducatif moderne : il inclut des classes ULIS pour les élèves en situation de handicap, des espaces de jeu intégrés, et une architecture ouverte favorisant la lumière naturelle. Contrairement aux anciens collèges, il ne s’agit pas d’un simple remplacement, mais d’une réinvention de l’école primaire comme lieu de vie.
Comment la ville répond-elle à la grève nationale des enseignants ?
Lors de la grève du 18 septembre 2025, la mairie a ouvert des salles d’accueil, organisé des repas et mobilisé des animateurs recrutés spécialement pour l’occasion. Cette préparation proactive a permis de maintenir un service minimum, rassurant les parents et montrant que Saint-Dizier peut agir de manière autonome face aux crises nationales.
Pourquoi la « débitumisation » des cours d’école est-elle importante ?
Remplacer l’asphalte par des espaces verts améliore la santé des enfants, réduit les risques de chaleur urbaine et favorise l’apprentissage par le jeu naturel. Dans une ville en déclin, ces gestes symbolisent un engagement concret en faveur du bien-être. Ils sont aussi un signal fort aux familles : la ville investit dans leur quotidien.
Quel lien existe entre l’éducation et l’attractivité industrielle à Saint-Dizier ?
Les entreprises locales peinent à recruter des techniciens qualifiés parce que les jeunes partent étudier ailleurs. Pour y remédier, la ville développe des formations courtes en lien direct avec les secteurs industriels locaux (logistique, maintenance). L’objectif : créer des parcours professionnels qui incitent les jeunes à rester, et les entreprises à investir.
La situation de Saint-Dizier est-elle unique en France ?
Non. Plus de 60 villes françaises de 20 000 à 50 000 habitants connaissent un déclin similaire. Selon La Fabrique de la Cité, les habitants de ces villes sont les plus mécontents en matière d’écoles et d’infrastructures. Saint-Dizier est un cas d’étude : elle tente de redonner de l’attractivité non par la taille, mais par la qualité de vie et les initiatives locales.