Grenoble : les Galeries Lafayette changent de nom après la polémique Shein

Grenoble : les Galeries Lafayette changent de nom après la polémique Shein

Le 4 novembre 2025, l’emblématique Galeries Lafayette a cessé d’être la face visible du magasin de la place Grenette à Grenoble. Une rupture brutale, annoncée sans surprise mais avec une intensité inédite : le groupe Société des Grands Magasins (SGM), dirigé par Frédéric Merlin, met fin à son partenariat avec les Galeries Lafayette pour sept sites régionaux, dont celui de Grenoble, ouvert sous cette enseigne depuis 1980. Le motif officiel ? Une « divergence stratégique ». Le vrai motif, tout le monde le sait : l’ouverture imminente d’une boutique Shein au troisième étage, prévue le 18 novembre 2025. Et ça, c’était inacceptable.

Une rupture orchestrée par une marque devenue symbole de décadence commerciale

Le communiqué des deux parties parle de « transition ordonnée » et de « respect des équipes ». Mais derrière les mots doux, c’est une guerre idéologique qui s’est déclenchée. Les Galeries Lafayette, qui se sont longtemps positionnées comme des temples du luxe éthique et du commerce de proximité soigneusement cadré, ont vu rouge en apprenant que leur nom serait associé à Shein — cette marque chinoise dont les pratiques d’ultra-fast fashion ont été dénoncées par des ONG, des syndicats, et même des consommateurs éco-responsables. Ce n’était pas qu’un choix commercial : c’était une trahison perçue.

La polémique a explosé quand on a appris que Shein vendait des poupées sexuelles aux formes infantiles, des produits qui ont poussé le Parquet de Paris à ouvrir une enquête « au nom de la protection des mineurs ». Le ministre de l’Économie, Roland Lescure, n’a pas tardé à réagir : « Si ces comportements sont répétés, on interdira l’accès de la plateforme Shein au marché français. » Une menace rarement formulée aussi clairement par un membre du gouvernement.

Un maire écologiste face à l’industrie du délabrement

À Grenoble, Éric Piolle a fait ce que peu de maires auraient osé : il a refusé de rencontrer le patron de Shein. Pas de photo, pas de séance de communication, pas de compromis. « Ce n’est pas une question de commerce, c’est une question de valeurs », a-t-il déclaré à Le Dauphiné Libéré. Et il n’était pas seul. Les associations locales, les étudiants en droit de l’environnement, les commerçants historiques de la place Grenette — tous ont signé une pétition. Le magasin de Grenoble, ce n’est pas juste un point de vente. C’est un monument de l’urbanisme des années 1980, un lieu de vie pour les familles, un repère pour les touristes qui viennent en Alpes. L’idée d’y voir une boutique de vêtements à 5 euros, fabriqués dans des conditions indignes, a provoqué un véritable choc collectif.

Et puis, il y a eu les conséquences pour Frédéric Merlin. Exclu de l’Union du Grand Commerce de Centre-Ville. Rejeté par l’Alliance du Commerce. La Banque des Territoires, filiale de la Caisse des Dépôts, a retiré son soutien aux négociations pour l’acquisition du BHV Marais à Paris, évoquant une « rupture de confiance ». Même Anne Hidalgo, maire de Paris, a bloqué son projet de naming du stade du Stade Français. Merlin parle de « pressions politiques ». Mais les faits parlent plus fort : quand une entreprise choisit de s’allier à une marque condamnée par la justice et l’opinion publique, elle paie le prix fort.

Quel avenir pour les sept magasins ?

Le communiqué promet une « nouvelle identité » pour les sept sites concernés — Angers, Dijon, Le Mans, Limoges, Orléans, Reims et Grenoble. Rien n’est encore officialisé, mais les rumeurs vont bon train. Certains parlent d’un retour au BHV, un nom qui a du poids dans l’histoire du commerce français. D’autres évoquent une création totalement nouvelle, peut-être un nom qui évoque la région, comme « Les Magasins des Alpes » pour Grenoble. Mais la direction de la SGM reste muette. Ce silence est révélateur : ils savent que tout nom associé à l’ancienne image de Galeries Lafayette serait un échec. Ils doivent réinventer quelque chose de complètement différent.

Et pour les employés ? Là, au moins, on peut respirer. Tous les indicateurs confirment : aucun licenciement. Les 187 salariés du magasin grenoblois resteront, avec leurs contrats, leurs primes, leurs avantages. Le changement de nom ne change rien à leur quotidien. Ce qui change, c’est l’identité du lieu. Et cette identité, désormais, ne portera plus l’empreinte d’un grand nom du luxe français.

Un signal fort pour le commerce de demain

Le cas de Grenoble n’est pas isolé. C’est un tournant. Dans un monde où les consommateurs, surtout les jeunes, jugent les marques sur leur éthique, pas seulement sur leur prix, la collaboration entre un grand magasin historique et une marque comme Shein était une erreur stratégique majeure. Les Galeries Lafayette ont choisi de se retirer. Elles ont choisi leur réputation. La SGM, elle, a choisi le court terme. Le résultat ? Un magasin sans nom, un dirigeant isolé, et une ville qui a dit non.

Le 18 novembre, quand la boutique Shein ouvrira ses portes au troisième étage, elle ne le fera pas sous l’enseigne Galeries Lafayette. Elle le fera sous un nom inconnu. Et pourtant, tout le monde saura ce que cela signifie. Ce n’est pas un changement de logo. C’est un changement de civilisation.

Frequently Asked Questions

Pourquoi les Galeries Lafayette ont-elles décidé de rompre avec la SGM ?

Les Galeries Lafayette ont rompu leur partenariat avec la SGM en raison de la volonté de cette dernière d’ouvrir une boutique Shein dans leurs magasins, notamment à Grenoble. Cette marque est critiquée pour ses pratiques d’ultra-fast fashion, ses conditions de travail abusives, et surtout pour avoir vendu des produits à caractère pédopornographique, ce qui a déclenché une enquête du Parquet de Paris. Pour les Galeries Lafayette, associer leur nom à Shein était inacceptable sur le plan éthique et de marque.

Quel impact cela a-t-il sur les employés du magasin de Grenoble ?

Aucun impact négatif n’est prévu pour les 187 salariés du magasin de la place Grenette. La SGM a assuré que tous les contrats seraient maintenus, les salaires et avantages inchangés. Seul le nom de l’enseigne changera. Cette décision a été prise pour préserver l’emploi et éviter une crise sociale dans un quartier déjà marqué par des tensions économiques.

Pourquoi la Banque des Territoires a-t-elle abandonné les négociations pour le BHV Marais ?

La Banque des Territoires a retiré son soutien aux négociations d’acquisition du BHV Marais en raison d’une « rupture de confiance » avec Frédéric Merlin. Cette décision est directement liée à la polémique Shein, qui a terni la réputation de la SGM et de son dirigeant aux yeux des institutions publiques. La Banque des Territoires, qui finance des projets de requalification urbaine, ne veut plus être associée à des acteurs dont les pratiques commerciales sont jugées contraires aux valeurs de durabilité et d’éthique.

Quelle est la nouvelle identité prévue pour le magasin de Grenoble ?

Aucune identité n’a été officiellement confirmée. Des rumeurs évoquent un retour au nom BHV, mais la direction de la SGM nie toute confirmation. Une autre piste sérieuse serait la création d’une enseigne locale, comme « Les Magasins des Alpes », pour renforcer l’ancrage régional et se distancer de l’image nationale de Shein. La décision devrait être annoncée d’ici fin novembre.

Pourquoi Éric Piolle a-t-il refusé de rencontrer le patron de Shein ?

Éric Piolle a refusé toute rencontre avec le dirigeant de Shein parce qu’il considère que la marque incarne un modèle économique destructeur : exploitation des travailleurs, pollution massive, et produits illégaux. Pour lui, accueillir Shein dans un lieu emblématique comme la place Grenette, symbole de la vie urbaine grenobloise, serait une trahison des valeurs écologistes et sociales défendues par la ville. Ce refus est aussi un signal politique fort à l’échelle nationale.

Quels autres magasins sont concernés par cette rupture ?

Outre Grenoble, six autres magasins gérés par la SGM sous l’enseigne Galeries Lafayette sont concernés : Angers, Dijon, Le Mans, Limoges, Orléans et Reims. Tous verront leur enseigne remplacée par une nouvelle identité à dévoiler prochainement. Les mêmes raisons éthiques et stratégiques ont conduit à cette décision, même si seule Grenoble a fait l’objet d’une mobilisation médiatique et politique aussi forte.