La Grande Guerre, une vision de l’horreur

Connu pour ses reportages sur les conflits en Bosnie ou en Palestine, le journaliste et dessinateur américain Joe Sacco s’est toujours intéressé aux horreurs de la guerre. Dans La Grande Guerre: Le premier jour de la bataille de la Somme, il plonge dans les tranchées pour produire un objet hors du commun.

Car ce n’est pas une simple BD qui s’offre à nous, mais une véritable uvre d’art. L’ouvrage n’est pas constitué d’un récit linéaire, mais plutôt d’une fresque de près de sept mètres de long comprenant des milliers de personnages. S’il est possible de feuilleter le livre tableau par tableau, c’est vraiment lorsqu’on déploie l »uvre dans son ensemble qu’elle prend tout son sens.

Pas de cases, de dialogues, de phylactères ou d’onomatopées, simplement un gigantesque panorama, qui retrace dans un style simple et précis chaque moment de ce jour maudit, le plus meurtrier de l’histoire militaire britannique. Pas de héros non plus ni même d’ennemis: Sacco n’en a pas besoin pour restituer toute l’absurdité du conflit.

La bataille de la Somme, censée enfin débloquer cette guerre de tranchées qui durait depuis deux ans, s’est plutôt transformée en un terrible fiasco. Les erreurs des généraux (en premier lieu celles du commandant en chef Douglas Haig, seul personnage reconnaissable du livre) et la mauvaise préparation coûteront la vie à plus de 21 000 soldats britanniques lors de cette première journée seulement.

Sacco pose donc son regard sur l’armée britannique dans sa marche vers le front, immense marée humaine qui se dirige vers l’abattoir comme une machine bien rodée. Devant nos yeux, les hommes et les chevaux défilent par milliers, d’abord joyeux, ensuite résignés. Puis le ciel s’assombrit, les champs et les villages disparaissent pour être remplacés par le chaos du «no man’s land».

Toujours en rang, les soldats sortent des tranchées pour foncer, au milieu des explosions, vers une mort quasi certaine sous le feu des mitrailleuses. Les cadavres s’accumulent et on réalise que cette offensive n’avait aucune chance de réussir. Puis, on retourne à l’arrière du front, où se rassemblent en masse les blessés qu’on a pu tirer de cette hécatombe. Finalement, le dernier tableau laisse place aux morts qu’on enterre sommairement dans une fosse commune.

Ceux qui recherchent une BD d’action vont être déçus, mais Sacco offre beaucoup plus: une vision crue et lucide sur la guerre. On ne peut que saluer sa patience et sa minutie pour être parvenu à restituer dans les moindres détails une scène d’une telle ampleur. Mieux, en refusant de jouer la carte du sacrifice et du patriotisme, il dénonce avec fermeté la guerre et la bêtise humaine.

Le tout est accompagné d’un très intéressant livret explicatif signé par l’historien britannique Adam Hochschild.

La Grande Guerre: Le premier jour de la bataille de la SommeJoe Sacco Éditions Futuropolis 47,95 $

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