À 17h30, alors qu’il échangeait avec des agriculteurs devant le stand de la Coordination rurale, Jordan Bardella s’est vu aspergé d’une poignée de farine par un jeune homme de 17 ans. L’incident, survenu lors de la Foire de la Sainte-CatherineVesoul, a provoqué un chaos bref mais médiatique. La sécurité du président du Rassemblement National a réagi en moins de trente secondes : le suspect, encore vêtu de son sweat à capuche, a été plaqué au sol, puis emmené en garde à vue au commissariat de Vesoul. Bardella, lui, a été évacué vers son hôtel sans une trace de farine sur son manteau — une scène presque cinématographique, mais bien réelle.
Un geste qui ne vient pas de nulle part
Ce n’était pas la première fois que Bardella se rendait à la foire de Vesoul. En 2024, déjà, des milliers de personnes avaient afflué pour le voir — un phénomène que l’on ne retrouve pas souvent chez les dirigeants politiques à des événements locaux. Cette année, malgré le froid glacial de fin novembre, près de 3 000 personnes se sont rassemblées, selon L’Est Républicain. Et pourtant, l’ambiance n’était pas que festive. Derrière les sourires et les poignées de main, une tension sourde. Depuis les derniers sondages Ifop, Bardella est crédité de 28 % des intentions de vote à la présidentielle de 2027. Une ascension inquiétante pour ses adversaires, mais aussi une cible de plus en plus visible pour les extrêmes, de tous bords.Le jeune homme, dont le nom n’a pas été révélé en raison de la protection légale des mineurs, est élève en terminale dans un lycée de la région. Selon des témoins, il n’était pas connu comme activiste politique. Il aurait simplement attendu que Bardella se penche pour parler à un agriculteur, puis, d’un geste rapide, lancé la farine. Un acte symbolique, presque théâtral. Comme si, dans un pays où les slogans politiques se transforment en violence, la farine devenait la nouvelle arme des désespérés.
Les réactions en chaîne
Dès les premières vidéos circulant sur TikTok et Twitter — sous les hashtags #BardellaEnfariné et #FoireVesoul2025 — les réseaux sociaux ont explosé. Trois angles différents ont été diffusés en moins de deux heures. L’un, particulièrement net, montre le garçon sortant derrière une pile de sacs de semences, comme s’il avait préparé son geste. Pas de cris, pas de hurlements. Juste un mouvement fluide, presque calme. Puis la foule qui recule, les caméras qui se braquent, et les policiers qui fondent sur lui.Le Rassemblement National a réagi avec une rapidité inhabituelle. Dans un communiqué, ses avocats ont annoncé qu’ils déposeraient deux plaintes : pour « outrage à personne chargée d’une mission de service public » et « violences à personne chargée d’une mission de service public ». Ces articles du Code pénal (433-5 et 433-6) peuvent entraîner jusqu’à six mois de prison et 7 500 euros d’amende. Mais ici, le contexte change tout. Le suspect est mineur. Et en France, la justice pour les jeunes privilégie la rééducation plutôt que la répression.
Quant à Bardella, il a fait une déclaration qui a fait polémique. « C’est un gamin de 16 ans », a-t-il dit, en corrigeant lui-même son chiffre après un silence. « Probablement un manque d’éducation des parents. » Il a ensuite évoqué un parallèle historique — sans le nommer — pour minimiser l’incident. Une tactique connue : transformer une agression en preuve de l’irrationalité de l’adversaire. Mais ce n’est pas ce que retiendront les témoins. Ce qu’ils retiendront, c’est le regard du garçon, après avoir jeté la farine : pas de haine, pas de colère. Juste un vide. Comme s’il savait déjà que ce geste ne changerait rien… mais qu’il fallait quand même le faire.
Qui est la Coordination rurale ?
L’endroit de l’incident n’est pas anodin. La Coordination rurale est une organisation agricole nationaliste, créée dans les années 1970, qui défend les petites exploitations contre les grandes entreprises agro-industrielles. Elle compte environ 15 000 membres, principalement dans l’Est et le Sud-Ouest de la France. Son stand, ce jour-là, était un lieu de rencontre entre les agriculteurs et les politiques. Un espace de dialogue, souvent tendu, mais toujours réel. Et c’est là que le jeune homme a choisi de frapper. Pas sur un podium, pas devant une caméra de télévision. Mais dans l’espace même où les mots sont censés compter.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Le garçon sera entendu par le juge des enfants dans les prochaines 48 heures. La loi française interdit la détention au-delà de ce délai sans décision judiciaire. Les procureurs du parquet de Vesoul étudient les vidéos, les témoignages, et les antécédents du mineur — s’il en a. Rien ne dit qu’il sera poursuivi. Des mesures éducatives, un accompagnement psychologique, une médiation avec les victimes : tout est possible. Ce qui est certain, en revanche, c’est que ce geste a été filmé, partagé, analysé. Il ne s’agit plus seulement d’un acte isolé. C’est un symptôme.Un pays qui s’agace
Il y a quelques mois, un manifestant avait lancé un œuf sur la ministre de l’Éducation. Avant cela, des gilets jaunes avaient jeté des œufs sur des maires. La farine, elle, est plus douce. Moins violente. Mais plus symbolique. Elle ne blesse pas. Elle tache. Elle humilie. Et dans un pays où l’apparence compte autant que le fond, c’est peut-être pire qu’un coup.Bardella, qui a été élu député européen en 2019 et président du RN en 2022, n’est pas un homme habitué à être pris au dépourvu. Mais ce jour-là, il n’a pas réagi avec sa colère habituelle. Il a souri. Puis il est parti. Comme s’il savait que ce n’était pas lui qu’il fallait protéger. Mais le système.
Foire aux questions
Pourquoi la farine est-elle un symbole politique en France ?
La farine, dans les manifestations françaises, est devenue un symbole de protestation non violente, mais humiliante. Elle rappelle les gestes des paysans contre les élites, notamment lors des mouvements contre les OGM ou les traités commerciaux. Contrairement aux œufs ou aux tomates, elle ne laisse pas de traces durables — mais elle tache l’image. C’est une arme de la dérision, utilisée par les jeunes pour dénoncer l’hypocrisie des politiques sans recourir à la violence physique.
Quelles sont les conséquences juridiques pour le mineur ?
Bien que les articles 433-5 et 433-6 du Code pénal prévoient jusqu’à six mois de prison et 7 500 € d’amende, la justice des mineurs privilégie les mesures éducatives. Le garçon pourrait être placé sous contrôle judiciaire, suivi par un éducateur, ou contraint à effectuer des travaux d’intérêt général. Une condamnation pénale est peu probable sans antécédents ou preuve de préméditation avérée.
Pourquoi Bardella a-t-il mentionné un parallèle historique sans le préciser ?
En évitant de nommer l’événement historique, Bardella crée une ambiguïté stratégique. Il suggère un lien avec des actes de violence politique du passé — peut-être les attaques contre des dirigeants de l’extrême droite dans les années 1980 — sans s’exposer à une critique historique précise. C’est une technique classique de la rhétorique populist : invoquer le passé pour légitimer la peur du présent, sans avoir à le justifier.
Comment la Coordination rurale a-t-elle réagi à l’incident ?
La Coordination rurale n’a pas encore publié de déclaration officielle. Mais selon des membres présents sur place, certains agriculteurs ont exprimé leur déception : « On ne vient pas ici pour faire du spectacle. On vient pour parler du prix du lait, des engrais, de la retraite. » Pour eux, l’incident a détourné l’attention de leurs vraies préoccupations. Le geste du jeune homme, bien qu’insolite, a été perçu comme un affront à leur dignité, pas seulement à celle de Bardella.
Le vote des jeunes en France est-il en train de se radicaliser ?
Les sondages montrent une polarisation croissante chez les 18-24 ans. Si 28 % soutiennent Bardella, 19 % disent qu’ils voteront pour un candidat d’extrême gauche. Mais ce qui frappe, c’est la hausse des abstentions : 52 % des jeunes n’ont pas encore décidé de voter. Ce geste de farine pourrait être l’expression d’un désespoir politique : ni droite, ni gauche, mais une révolte silencieuse contre un système jugé sourd. Ce n’est pas de la radicalisation. C’est de la désillusion.
Quel impact cela aura-t-il sur les élections de 2027 ?
À court terme, l’incident a renforcé le récit du RN : « On attaque les dirigeants parce qu’ils disent la vérité. » Les vidéos circulent comme des preuves de la « persécution » de la droite. Mais à long terme, si le mineur est traité avec bienveillance, cela pourrait alimenter le discours de la rédemption — et affaiblir l’image de victime de Bardella. Le vrai enjeu : le pays va-t-il choisir la colère ou la compassion ?