Hyena Road, le chemin du combat, la guerre et Guy Lafleur!

Hyena Road: le chemin du combat, nouveau film de Paul Gross lié à Direction sud, est le fruit d’une série de hasards. En entrevue lors de son passage au Festival international du film de Toronto, cet acteur, réalisateur, producteur et scénariste (et il est même chanteur!) est revenu sur ce long métrage presque accidentel.

Quel rapport entre Guy Lafleur et l’Afghanistan’ C’est à la fois simple et surprenant, comme l’a expliqué Paul Gross en entrevue. «En faisant Passchendaele, j’ai été en contact avec un certain nombre de soldats et d’officiers qui ont joué dans le film. Plusieurs généraux m’ont ensuite proposé de me rendre en Afghanistan. À l’époque, je n’avais pas vraiment le temps, jusqu’à 2010, où j’ai pu y aller. J’étais curieux. Je n’avais jamais été invité dans une zone de guerre et je me suis dit que je devais aller jeter un il.»

Lorsque Paul Gross a mis les pieds dans ce pays situé à près de 10 000 km de chez nous, il est arrivé à la base militaire de Kandahar, une ville érigée au milieu de nulle part, abritant, au plus fort du conflit, pas moins de 60 000 militaires et comprenant, entre autres, un Tim Hortons!

«J’ai été immédiatement fasciné par ce que j’ai vu, j’étais complètement désorienté. Mais, ce qui était hilarant, c’est que je n’avais rien à faire à part me promener [à travers la base]. Et je n’étais pas le seul, un groupe de rock se trouvait sur place, et, surtout, Guy Lafleur, mon joueur de hockey préféré, qui, lui non plus, n’avait rien de spécial à faire! Nous sommes devenus amis et, comme il s’était déjà rendu là, il m’a montré plein de choses. Il m’a fait prendre un hélicoptère afin que nous nous rendions dans plusieurs bases avancées. Et voilà! C’est Guy Lafleur qui m’a fait connaître l’Afghanistan! [Rires] C’était fantastique!»

Un sniper canadien

Après Passchendaele, sur l’engagement canadien durant la Première Guerre mondiale, Paul Gross avait juré de ne jamais refaire un film de guerre en raison des complexités du tournage et de l’importance du budget nécessaire. Car, avec ses 20 millions $, cette épopée est devenue le long métrage le plus cher du cinéma canadien. Mais l’Afghanistan et le travail de l’armée canadienne – incluant le Royal 22e Régiment, la plus importante unité francophone en Amérique du Nord – ce sont rapidement imposés à lui.

«J’ai immédiatement été fasciné par la complexité du travail de nos militaires. Cela n’avait rien à voir avec ce que laissaient entendre les politiciens ou les médias, dont les comptes-rendus étaient très superficiels. Et c’est ainsi que j’y suis retourné avec une caméra», a dit ce fils de militaire qui a interviewé des soldats et des Afghans afin de baser son scénario sur des faits réels.

Hyena Road: le chemin du combat s’articule autour de l’histoire de Ryan Sanders (Rossif Sutherland), de Pete Mitchell (Paul Gross), un officier du renseignement, et d’un homme surnommé «Le fantôme» (Neamat Arghandabi, un non-acteur), un ancien moudjahid. Tous trois défendent Hyena Road, une route de 20 km de long truffée d’explosifs, dans le district de Panjwai.

«La guerre aujourd’hui, la guerre moderne, n’a plus rien à voir avec ce qui se faisait au siècle dernier. Pour mettre les choses en perspective, si nous avions envoyé le même ratio de militaires en Afghanistan que pendant la Première Guerre mondiale, nous aurions envoyé trois millions de femmes et d’hommes et 300 000 d’entre eux auraient été tués.»

«Pendant la première heure de la bataille de la Somme, il y a eu 30 000 morts. Ces chiffres dépassent l’entendement. La guerre, aujourd’hui, qu’on peut presque qualifier de «post moderne» est excessivement complexe. Il n’y a plus de victoires, il n’y a qu’un objectif global, atteint par les affaires étrangères et la diplomatie. […] Il existe encore des combats, bien sûr, mais cet autre niveau n’existait tout simplement pas avant. La faction amie d’aujourd’hui peut devenir l’ennemi demain avant de redevenir l’amie le surlendemain. […] Cette pression mise sur les militaires n’est absolument pas comprise du public.»

«Nous devons être extrêmement prudents quand nous envoyons des gens qui sont nos voisins, nos amis et des membres de notre famille, dans un pays dont nous ne savons pas si les problèmes peuvent être résolus par les armes. Nous demandons à ces soldats d’effectuer les plus incroyables des choses, nous leur demandons d’être de bons soldats, de bons meneurs, d’être responsables, de devenir l’incarnation de notre politique étrangère. Et parfois, tout cela retombe sur les épaules d’un homme de 25 ans.»

«Je me souviendrais toujours de ce moment, en Afghanistan. Nous nous trouvions avec le 22e Régiment – d’ailleurs, on les voit partout dans le film, les soldats s’en apercevront -, lors d’une patrouille à pied. Nous nous sommes retrouvés dans une réunion, assis tous en rond au milieu des champs. Le caporal responsable de la patrouille parlait avec deux des anciens du village, le commandant de l’armée afghane était aussi présent, et il y avait le traducteur. On avait l’impression que tout le monde parlait en même temps, c’était un peu comme de se retrouver dans la tour de Babel. Le caporal avait un accent français très prononcé, et je suis certain que son traducteur ne pouvait pas tout comprendre, il n’avait aucune idée de ce qu’il racontait! J’ai réalisé que c’était ça, que c’était de cela qu’avait l’air notre politique étrangère. Et le poids qui reposait sur les épaules de ce jeune caporal était totalement disproportionné par rapport à son âge ou à son métier», a-t-il raconté.

Propagande’

Au contraire de Clint Eastwood et de son Tireur d’élite américain, Paul Gross a voulu montrer ce contexte dans toute sa complexité, incluant les tractations avec les Afghans. «Le personnage du Fantôme est réel, il a combattu les Soviétiques, celui du facilitateur existe également. Ces gens ont aidé nos forces armées», a-t-il souligné.

Parce que l’armée canadienne lui a ouvert les portes de ses bases – «Ils ne m’ont pas demandé le scénario», a précisé le réalisateur qui est allé en Jordanie pour tourner les scènes se déroulant en Afghanistan et au Manitoba pour les séquences sur la base – et lui a permis d’interviewer ses soldats, et parce que Hyena Road: le chemin du combat offre une vision nuancée de la guerre en Afghanistan, Paul Gross craint-il que son film soit taxé d »uvre de propagande’

«Les films de guerre, c’est que ce sont des uvres qui restent, en plus de demeurer populaires. Ce sont aussi des films qui attirent les critiques. François Truffaut disait que tout film de guerre est pro-guerre, et je ne suis pas certain que ce soit le cas. Pour Steven Spielberg, tout film de guerre est nécessairement anti-guerre et je ne suis pas sûr non plus que ce soit vrai.

Je ne sais pas où «Hyena Road» se situe, mais je pense que c’est quelque part à mi-chemin entre les deux. De surcroît, je n’ai pas de position personnelle sur notre implication en Afghanistan, tout simplement parce qu’il est impossible de répondre rapidement à une telle question. Je crois que j’ai tout simplement voulu montrer ce que nous faisions là-bas, c’est là toute l’étendue de ma prise de position sur le sujet. [Rires]»

Hyena Road: le chemin du combat prend l’affiche le 10 octobre dans les cinémas du Québec.

Étiquettes : chemin, combat, guerre, Hyena, Lafleur!

    Laisser un commentaire

    Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *