8 mai 1945, fin de la guerre en Europe… ou presque

L’occupation ne s’est pas achevée pour tout le monde à l’été 1944, ni même le 8 mai 1945, jour de la capitulation nazie. Pour Stéphane Glotin, elle s’est arrêtée le 11 mai 1945 lorsque les Allemands ont déposé les armes dans «la poche» de Saint-Nazaire, le secteur du port de cette ville de la côte Atlantique française et ses environs.

«C’était notre Libération à nous, neuf mois après tout le monde. On ne pouvait rien y faire, c’était le sort de toutes les poches de l’Atlantique», raconte cet homme de 92 ans. Celle de Saint-Nazaire, la plus grande, sera la dernière à être libérée.

Hitler ordonne de défendre «jusqu’au dernier homme» ces poches considérées comme stratégiques après le Débarquement de Normandie: Brest, Lorient, Saint-Nazaire, Royan, La Rochelle. Dans les mois qui suivent, seule Brest est libérée par les Américains au terme d’une longue bataille, en septembre 1944.

«Les Américains ont eu beaucoup de pertes, c’est pour ça qu’ils n’ont pas essayé de nous libérer, ils ont retenu la leçon», se souvient Stéphane Glotin, qui vivait à l’époque à Campbon.

«Le front oublié»

«On s’est senti frustrés, laissés de côté. C’était un peu l’état de siège», avec d’un côté 32 000 Allemands, et de l’autre des résistants et des unités militaires américaines, qui encerclent un vaste secteur de 1800 km2 de part et d’autre de la Loire et dont la base sous-marine de Saint-Nazaire constitue le c’ur. Une ville presque entièrement détruite par les bombardements et que ses habitants avaient fuie pour se réfugier dans les villages alentour.

Alors que le reste de la France savoure la liberté retrouvée, près de 124 000 «empochés» doivent cohabiter avec les Allemands. «On a su qu’à Nantes (libérée le 12 août 1944), les gens faisaient la fête. Ils étaient au courant pour la poche, mais ils ne se rendaient pas compte. Ça a été le front oublié».

Dans la poche, la cohabitation avec la Wehrmacht n’est pas de tout repos.

«Quand les obus américains tombaient sur les communes, il y avait une vraie proximité: on se retrouvait dans les mêmes abris. Mais pour le ravitaillement, c’était beaucoup plus strict: celui qui avait récolté des pommes de terre, il avait intérêt à les cacher, sinon elles devenaient des Kartoffeln (pomme de terre en allemand, NDLR). Ils menaçaient les fermiers avec leurs armes», raconte M. Glotin dans sa maison de Campbon, qui porte toujours dans ses murs des trous percés par les Allemands pour servir de meurtrières.

Engagé dans les FFI, des résistants Français, en juin 1944, le jeune homme résiste. D’abord, de l’intérieur: «J’ai aidé un soldat alsacien, enrôlé de force dans l’armée allemande, à déserter. Avec un camarade à la mairie de Campbon, on lui a fait une fausse carte d’identité française, avec un nom bien de chez nous et le vrai tampon de la mairie. Il a réussi à sortir». Les deux hommes ont gardé contact: «Je suis allé le voir en Alsace il y a une vingtaine d’années, il me l’a montrée, et j’ai reconnu mon écriture».

Chasse aux cochons

À l’intérieur de la poche, les nouvelles parviennent à filtrer: «On avait quelques postes de radio, à galène parce qu’il y avait pas de courant. Et puis il y avait des passeurs, qui traversaient la Loire avec des messages. Ils entouraient leurs rames avec des chiffons pour que ça fasse moins de bruit, parce que les Allemands patrouillaient sur l’estuaire».

C’est de cette manière qu’il correspond avec sa famille après son départ en janvier 1945, profitant d’un convoi d’évacuation de la population civile. Il rejoint les FFI qui, derrière la ligne de front, empêchent les Allemands de sortir. Ces derniers «organisaient des pillages, avec une petite unité qui allait dans les fermes pour chercher des cochons… Ils avaient faim, eux aussi».

Puis le jeune Stéphane rejoint l’armée régulière. Le 11 mai, trois jours après la capitulation allemande, il pénètre dans la poche enfin libérée, en vainqueur: «Au bord de la route, il y avait du monde partout, qui applaudissait quand on passait. Il y avait plusieurs compagnies d’Allemands à l’aérodrome. On n’était qu’une dizaine, mais face à nous, ils étaient bien dociles. Cette fois, ils savaient bien qu’ils avaient perdu».

Selon lui, si les Allemands ont capitulé dès le 8 mai, ce sont les Américains qui ont décidé d’attendre le 11 pour leur reddition effective.

Devenus prisonniers de guerre, les soldats allemands ont ensuite servi de main-d »uvre pour le déminage et le déblayage des ruines de Saint-Nazaire. La plupart y sont restés jusqu’en 1948. Quelques-uns, ayant tout perdu en Allemagne, s’y sont même installés et y ont fini leur vie, raconte l’historien local Daniel Sicard.

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