Plus d’une cinquantaine de civils tués à Alep

La ville septentrionale d’Alep a connu jeudi sa journée la plus meurtrière en une semaine avec 53 civils tués dans des combats alors que le régime syrien se prépare à lancer une offensive pour reconquérir la province du même nom.

«Il est temps de lancer la bataille pour la libération complète d’Alep», a annoncé jeudi à Damas al-Watan, un quotidien bien informé et proche du pouvoir.

«Ce n’est pas un secret que l’armée syrienne et ses alliés ont préparé cette bataille décisive pour purifier Alep des terroristes», assure le journal dans son éditorial. Le régime syrien désigne par «terroristes» tous ses opposants armés.

L’objectif du président Bachar al-Assad est de reprendre la partie d’Alep aux mains des rebelles qui lui échappe depuis quatre ans. La deuxième ville du pays est en effet divisée depuis juillet 2012 entre les quartiers gouvernementaux à l’ouest et ceux contrôlés par les insurgés à l’est.

La situation à Alep préoccupe fortement l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, qui a appelé la Russie et les États-Unis, parrains d’une trêve entrée en vigueur le 27 février, mais bien mal en point aujourd’hui, à prendre une «initiative urgente».

Jeudi, au moins 53 civils sont morts à Alep. Trente-et-un d’entre eux, dont trois enfants ont été tués par des frappes aériennes du régime contre les quartiers rebelles. 22 personnes, dont deux enfants, ont péri dans des bombardements rebelles contre cinq quartiers gouvernementaux, a précisé l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.

Au total, les bombardements à Alep ont fait plus de 200 morts et des centaines de blessés en une semaine, selon l’OSDH.

Dans le quartier de Boustane al-Qasr, un correspondant de l’AFP a constaté que tous les immeubles visibles avaient été touchés. «Aujourd’hui, c’est tout le quartier qui a été dévasté par les avions», a témoigné un habitant.

«C’est la pire journée à Alep depuis cinq ans. Le régime n’a pas épargné un seul quartier», a affirmé un résident.

Pour le Comité international de la Croix Rouge, Alep est désormais «aux portes d’un désastre humanitaire». «Où que vous alliez, vous entendez les explosions de mortiers, les bombardements et le vol des avions», selon Valter Gros, le représentant du CICR dans la ville. «Les habitants vivent sur le fil du rasoir. Tous craignent pour leur vie et personne ne sait ce qui va advenir».

Mercredi, les raids avaient déjà causé la mort de 30 personnes, dont le dernier pédiatre exerçant dans le secteur rebelle d’Alep, selon la défense civile.

Ces frappes du régime ont notamment visé l’hôpital Al-Quds, où de nombreux civils, mais aussi des médecins et des infirmiers, ont été tués, selon les secouristes connus sous le nom de Casques blancs.

«Nous ne pouvons pas identifier (tous les corps). Certains sont carbonisés, d’autres n’ont plus de tête ou ont le visage totalement défiguré», a indiqué à l’AFP l’un d’eux.

Médecins sans frontières, qui soutenait l’hôpital, a condamné cet acte «révoltant ayant encore visé un centre de santé en Syrie». Cet établissement était «le principal centre pédiatrique de la région» et «employait huit médecins et 28 infirmières», a précisé l’ONG, en rappelant que le droit international interdit de prendre les hôpitaux pour cible.

Un porte-parole du Haut comité des négociations (HCN), qui regroupe les principaux représentants de l’opposition et de la rébellion syriennes, Salem al-Meslet a dénoncé dans un communiqué une «attaque cruelle qui est un message que le régime d’Assad refuse de mettre fin aux souffrances du peuple syrien».

Dans ce conflit très complexe qui se focalise actuellement dans la province d’Alep, 53 rebelles, notamment islamistes, et 11 combattants des Forces démocratiques syriennes (alliance arabo-kurde) ont par ailleurs été tués dans des combats dans la zone de Tal Rifaat, une ville contrôlée par les Kurdes.

Dans ce contexte, Staffan de Mistura a réuni jeudi le Groupe de travail sur l’accès humanitaire et le Groupe international de soutien à la Syrie (GISS), composé de 17 pays sous la coprésidence de la Russie et des États-Unis.

À l’issue de la réunion, l’ONU a averti que des centaines de milliers de Syriens risquaient de ne plus pouvoir recevoir d’aide d’urgence si les combats se poursuivaient.

«Les enjeux sont incroyablement élevés pour les prochaines heures et prochains jours (…) car il y a tant de vies humaines dans la balance», a dit Jan Egeland, qui dirige le Groupe de travail humanitaire.

Selon lui, des convois d’aide ont pu être acheminés dans plus de 52% des zones assiégées, ce qui a permis d’accéder à 255.000 personnes.

Mais 35 localités, où vivent quelque 905.000 personnes, ne peuvent toujours pas être visitées par les agences d’aide, a regretté M. Egeland.

Le patron des opérations humanitaires de l’ONU Stephen O’Brien a pressé pour sa part jeudi les belligérants et la communauté internationale, en particulier Washington et Moscou, de sauvegarder le cessez-le-feu en Syrie afin de «mettre fin à des souffrances massives».

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